À l’occasion de la manifestation «Terres à l’envers», Jacques Muller, Alain Jund et Alison Ober (*) rappellent en quoi consiste le projet des écologistes pour l’agriculture.
Par Jacques Muller, Alain Jund et Alison Ober
«Nicolas Sarkozy, fossoyeur du Grenelle de l’environnement – «l’environnement, ça commence à bien faire!» – tentera aujourd’hui de «jouer les Jacques Chirac» lors de la finale nationale et européenne de labour. Cette manifestation illustre un modèle agricole foncièrement dépassé, où le nombre d’agriculteurs a été divisé par trois dans notre pays entre 1970 et 2007.
Le labour est d’abord une pratique exigeant l’emploi de machines toujours plus puissantes, grandes surfaces obligent, symboles pétaradants de l’accumulation du capital productif dans l’agriculture, et qui contribuent à la destruction de l’emploi et à la dégradation sans précédent du bilan énergétique des cultures.
Remis en question par un nombre croissant d’agronomes compte tenu de son impact destructeur sur la vie des sols, le labour a pour conséquence une baisse ininterrompue de leur fertilité naturelle, et une consommation accrue d’engrais.
Ce ne sont pas les agriculteurs qui sont en cause, mais les politiques agricoles mises en œuvre depuis les années soixante.
Le modèle dominant repose sur l’intégration de l’agriculture au complexe agro-industriel, ainsi que l’artificialisation croissante du milieu naturel. L’abandon de la polyculture-élevage conduit les agriculteurs à utiliser des engrais chimiques au lieu de l’engrais organique autoproduit sur l’exploitation.
Le capital contre le travail
L’abandon de la rotation des cultures et le remplacement des semences paysannes issues de l’exploitation par des semences brevetées fragilisent les cultures par rapport aux maladies et poussent à une consommation croissante de pesticides. (cf. la monoculture de maïs et la chrysomèle…)
L’agriculture est devenue le seul secteur de l’économie dans lequel la collectivité subventionne le capital au détriment de l’emploi! L’Union européenne déverse annuellement dans notre pays quelque 10 milliards d’euros, de la pire manière, en primant l’hectare de terre, c’est-à-dire en soutenant le capital contre le travail! Les conséquences de cette politique sont inéluctables: les campagnes se vident, les jeunes peinent à s’installer et les surfaces se concentrent aux mains des plus gros exploitants qui captent une véritable rente de situation via les primes PAC (Politique agricole commune).
Il faut enterrer définitivement ce productivisme agricole qui privilégie le rendement à tout prix, en finir avec ce modèle qui détruit les paysans comme l’environnement, pour se tourner enfin vers une agriculture nouvelle.
L’avenir est à une agriculture paysanne reposant sur les hommes plutôt que sur la chimie, engrais de synthèse et pesticides.
L’avenir est à des systèmes de production en connivence avec la nature car appuyés sur le fonctionnement des écosystèmes, plus autonomes en fertilisants et alimentation du bétail, et économes en énergies fossiles.
L’avenir est enfin à une agriculture tournée vers la nourriture des hommes – abandon des agro-carburants! – et exigeante en termes de santé pour tous les consommateurs.
En phase avec les paysans et la planète
Une telle révolution exige non seulement un changement des mentalités mais surtout une nouvelle politique agricole en rupture avec celle qui prévaut depuis des décennies. La tenue de la manifestation «Terres à l’envers» montre a contrario tout le chemin qu’il reste à parcourir pour faire éclore une agriculture en phase avec les paysans, répondant aux attentes des consommateurs et aux défis de la planète.»
J.M. A.J. et A.O.
(*) Jacques Muller est ingénieur agronome et ancien sénateur, Alain Jund et Alison Ober sont porte-parole d’Europe Écologie les Verts Alsace